L’ADMINISTRATION DE LA PREUVE SCIENTIFIQUE EN DROIT NORD-AMÉRICAIN
Résumé
La preuve scientifique joue un rôle incontournable dans de nombreux domaines du droit civil. La responsabilité civile, marquée par l’évolution technologique, est particulièrement confrontée à une profusion d’expertises techniques qui n’est pas sans poser problème au bon déroulement du procès. En effet, en plus d’occasionner des coûts et longueurs conséquents, cette abondance est susceptible de paralyser la décision juridique. Modérer l’introduction de la preuve scientifique dans le procès civil est donc devenu une problématique de taille du droit processuel contemporain.
Les systèmes juridiques nord-américains ont suivi une voie originale afin de répondre à cet enjeu en limitant l’admissibilité de la science via un contrôle de sa fiabilité exercé par le juge, devenu un véritable « gardien des sciences ». Près de vingt-cinq ans après la création de ce contrôle de fiabilité par l’arrêt Daubert aux États-Unis et Mohan au Canada, cet article se propose d’ébaucher un bilan de sa mise en oeuvre et de son opportunité.
Ce regard rétrospectif conclut à une inadaptation du contrôle de fiabilité aux objectifs qu’il se proposait d’atteindre, qui se manifeste dans le domaine civil par son application excessive aux États-Unis et relativement indigente au Canada. La complexité du contrôle, son manque de maniabilité par des juges peu compétents ainsi que sa flexibilité favorisant l’influence de prises de position arbitraires sont avancés comme explications à ces phénomènes. Plus fondamentalement, le contrôle de fiabilité est fondé sur une perception inexacte de la science par le droit qui entrave son fonctionnement.
Se pose alors la question de l’évolution de ce contrôle, qui pourrait passer, sur le modèle d’une tendance canadienne, par une réorientation de l’effort juridique vers un contrôle non plus du contenu du savoir scientifique mais des acteurs qui le présentent au sein du procès, impliquant finalement une réflexion plus globale sur le fonctionnement du système accusatoire.
