LES EXIGENCES CONSTITUTIONNELLES EN MATIERE DE FAUTE PENALE: UN BILAN CRITIQUE

Résumé

Les premiers arrêts de la Cour suprême du Canada relativement aux exigences constitutionnelles en matière de faute pénale laissaient entrevoir une discussion sur les fondements de la responsabilité pénale et un raffermissement des normes de faute. Plusieurs ont cru que de nombreuses infractions devraient dorénavant être interprétées comme exigeant une mens rea subjective. Il est maintenant clair que, sauf exception, la négligence suffit à rencontrer les exigences minimales des principes de justice fondamentale. Outre la déception ressentie face à ce résultat, il faut surtout s'interroger sur la pertinence des critères mis de l'avant par le plus haut tribunal du pays pour fonder son analyse. Le critère de la sévérité de la peine se résume dans une large mesure à vérifier si une peine d'emprisonnement est prévue et à relativiser la gravité de l'infraction en cause en la comparant au meurtre. Le critère de la gravité des stigmates rattachés à une déclaration de culpabilité est encore moins déterminant. L'intuition et l'impressionnisme juridique qui le caractérisent ont entre autre permis de conclure que, moins la norme de faute pour une infraction donnée est élevée, moins cette dernière est stigmatisante. Il apparaît que les critères d'analyse constitutionnelle avancés parla Cour ne se fondent sur aucune vision articulée des principes fondamentaux devant fonder notre système de justice répressive. Mais il y a plus. Au fil des discussions sur les exigences minimales en matière de faute, on note un effritement considérable des normes élaborées par la common law. Un traitement indifférencié des garanties constitutionnelles et des règles traditionnelles d'interprétation des textes créateurs d'infractions tend à niveler par le bas ces dernières. Ainsi, des infractions de négligence "constitutionnellement suffisantes " ont été découvertes au mépris des règles de l'arrêt Sault Ste-Marie. L'auteure déplore que l'héritage de la common law soit entamé en l'absence de discussion sérieuse sur les principes de politique criminelle en cause.